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15 centimes le Numéro
2 Mai 1859
No 17

LE CAUCASE
JOURNAL DE VOYAGES ET ROMANS
PARAISSANT TOUS LES JOURS

Nous commençons notre publication par le voyage d’ALEXANDRE DUMAS au Caucase.
Cette première publication de notre Journal, entièrement inédite, sera complète en trente numéros pour lesquels on s’abonne chez Jaccottet, rue Lepelletier, 31, et pour la vente, chez Delavier, rue Notre-Dame-des-Victoires, 11.

Puis, insensiblement, chacun reprit sa place, et quoique en réponse à la première décharge on entendit quelques coups de fusil isolés, personne n’y fit plus ou ne parut plus y faire attention.

En effet, cette danse était vraiment bizarre et méritait bien que l’on s’occupât d’elle : deux des danseurs, ceux qui portaient les massues, s’étaient placés aux deux extrémités d’un cercle dont le troisième danseur, l’homme à l’arc, formait le centre. Ils faisaient, avec une agilité et une adresse qui ne peuvent se comparer qu’à celles du joueur de bâtons des Champs-Élysées, tourner ces massues autour de leur tête, les passant d’une main à l’autre sous leurs bras, entre leurs jambes, tandis que le troisième danseur opérait dans son arc toutes sortes d’évolutions, en faisait sonner les anneaux, et renforçait la musique déjà passablement sauvage d’un plus sauvage accompagnement.

Les deux joueurs de zourna se relayaient, faisant entendre ces sons criards et irritants qui mettent les Géorgiens hors d’eux-mêmes, et qui sont pour eux ce que la cornemuse est pour les Highlanders. Cette musique semblait doubler les forces des danseurs et les porter au delà des mesures humaines. Cet exercice, que le plus vigoureux d’entre nous n’eût pu exécuter pendant deux ou trois minutes, dura plus d’un quart d’heure, et cela, soit habitude, soit adresse, sans que les danseurs parussent éprouver la moindre fatigue.

Enfin les musiciens s’arrêtèrent et les danseurs aussi.

Comme toute la chorégraphie orientale, la danse des massues est fort simple ; elle consiste en des pas en avant et en arrière exécutés, non point d’après des figures arrêtées d’avance, mais au caprice du danseur. Jamais, comme chez nous, l’acteur ne cherche à s’enlever de terre, et les bras jouent en général dans cet exercice un plus grand rôle que les jambes.