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15 centimes le Numéro
19 Avril 1859
No 4

LE CAUCASE
JOURNAL DE VOYAGES ET ROMANS
PARAISSANT TOUS LES JOURS

Nous commençons notre publication par le voyage d’ALEXANDRE DUMAS au Caucase.
Cet ouvrage, entièrement inédit, sera complet en trente numéros pour lesquels on peut s’abonner à l’avance.
En vente chez Delavier, rue Notre-Dame-des-Victoires, 11

Vous connaissez Lermantoff, n’est-ce pas, chers lecteurs ? c’est, après Pouschkine, le plus grand poëte de la Russie. Exilé au Caucase pour avoir fait des vers sur la mort de Pouschkine, tué en duel, il fut tué en duel au Caucase.

Lorsque parurent ses premiers vers, le commandant de Pétersbourg, Martynoff, le fit venir.

— On m’assure que vous avez fait des vers, lui dit-il d’un air où le doute se mêlait à la sévérité.

Lermantoff avoua le crime.

— Monsieur, lui dit le commandant, il n’est pas convenable qu’un noble, qu’un officier aux gardes, fasse des vers. Il y a des gens pour faire ces choses-là, que l’on appelle des auteurs.

Vous irez passer un an au Caucase.

Au lieu d’un an, Lermantoff y passa cinq ou six ans.

Pendant ce temps-là, il a fait force beaux vers. Quelques-uns de ces vers sont intitulés : les Dons du Téreck.

Nous avons encore vingt et une verstes à faire sur les bords du Téreck avant d’arriver à Tschervelone. Nul bruit n’accompagne mieux la cadence poétique que le murmure d’un fleuve. Je vais vous dire les Dons du Téreck de Lermantoff, en essayant, autant qu’une traduction le permet, de conserver aux vers du poëte leur couleur originale.

Mugissant, furieux, sauvage,
Roulant ses rochers de granit,
Le Téreck descend tout en nage
Des monts où l’aigle fait son nid.
Sa sueur jaillit en écume ;
Mais quand, sur la plaine qui fume,
Il s’est, rusé Circassien,
Répandu comme une onde honnête,
Présentant son humble requête,
Il dit au vieux lac Caspien :