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15 centimes le Numéro
25 Avril 1859
No 10

LE CAUCASE
JOURNAL DE VOYAGES ET ROMANS
PARAISSANT TOUS LES JOURS

Nous commençons notre publication par le voyage d’ALEXANDRE DUMAS au Caucase.
Cette première publication de notre Journal, entièrement inédite, sera complète en trente numéros pour lesquels on s’abonne chez Jaccottet, rue Lepelletier, 31, et pour la vente, chez Delavier, rue Notre-Dame-des-Victoires, 11.

Au haut de la ville on est dans un aoul tatar.

Au bas de la ville on est dans une caserne russe.

Vue de la plage, la ville présente l’aspect d’un carré long, qui ressemble à un tapis déroulé fléchissant par le milieu. Du côté méridional la muraille présente une espèce de renflement, comme si la ville ayant fait un effort l’enceinte eût cédé.

Partout où la muraille est restée intacte on reconnaît la construction pélasgique ; aux endroits où elle s’est écroulée elle a été rebâtie en pierre ordinaire et selon les règles de la maçonnerie moderne.

Cependant je doute que les murailles remontent aux Pélasges ; si j’osais émettre une opinion en si délicate matière, je dirais que Kosrou le Grand, que nous appelons Chosroès, la fortifia d’après les traditions pélasgiques vers 562, dans ses guerres contre Justinien.

La porte du sud serait une preuve, selon moi, à l’appui de cette opinion ; elle est surmontée du fameux lion persan que le fils de Kobad avait pris pour emblème et qui, parmi toutes les différentes faces de lions qu’ont inventées les sculpteurs, présente cette spécialité d’avoir la tête faite comme un grelot.

Au-dessous du lion est une inscription en Vieux persan que personne ne peut lire parmi les Persans modernes. Bagration m’a promis d’en faire prendre l’empreinte, et je lui ai promis, moi, de lui en faire faire la traduction par mon savant ami Saulcy.

La nuit seule nous fit rentrer dans notre maison, ou plutôt dans notre palais, et nous adressâmes nos prières à la nuit pour qu’elle se fit rapide comme une nuit d’été.

Nous avions soif de Derbent, qui nous apparaissait avec la magie du crépuscule et qui, bien certainement, devait être la chose la plus curieuse que nous eussions encore vue.