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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

le capitaine, déjà touché légèrement d’un coup de sabre, se démit l’épaule. Il n’y avait pas moyen de faire plus longue résistance ; le capitaine se rendit ; puis aussitôt, fidèle à la parole engagée, il ordonna à sa troupe de ne pas bouger, ce que d’ailleurs elle était assez disposée à faire, les dragons tenant la carabine haute, et étant prêts à faire feu. Chacun tira de son côté : les Autrichiens s’en retournèrent sans chef, et les Français revinrent avec leur prisonnier.

C’était justement le capitaine du lieutenant que nous avions pris la veille ; de sorte que le lieutenant, déjà familier avec tout notre état-major, put présenter son supérieur à mon père.

Non père le reçut à merveille, et fit venir aussitôt le chirurgien-major, aux mains duquel il le remit.

Cette bonne réception, et les soins que mon père eut de ces deux officiers, eurent un résultat que l’on verra en son lieu et à sa place.

Cependant, il était déjà question du traité de Leoben, et un armistice avait même été conclu, lorsque arriva à notre état-major un commandant de dragons autrichiens porteur d’un sauf-conduit de l’état-major de l’armée du Rhin.

Ce commandant était justement le même qui avait fait demi-tour à la ferme de Clausen, lorsque, après avoir provoqué mon père, mon père avait marché sur lui.

Les deux prisonniers étaient des officiers sous ses ordres, et il venait leur apporter des effets et de l’argent.

Il remercia fort mon père des soins extrêmes qu’il avait eux de ses deux officiers, et, comme mon père l’avait invité à dîner, une fois à table, la conversation tourna vers cette aventure du plateau où tout un régiment avait battu en retraite devant deux hommes.

Non père n’avait pas reconnu le commandant.

— Ma foi, dit-il, quant à moi, je n’ai regretté qu’une chose, c’est que le chef de cet escadron qui m’avait défié eût changé d’avis et n’eût pas jugé à propos de m’attendre.

Aux premières paroles dites sur ce sujet, Dermoncourt avait remarqué la gêne du chef d’escadron, et dès lors, le regardant