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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

reconnaître, dès les premières lignes de sa dépêche, que la position est bien au-dessus de ses mérites.

Dupuis, général de brigade commandant la place, à sonami Carlo :
» Au grand Caire, 11 thermidor an vi.

» Sur mer comme sur terre, en Europe comme en Afrique, je suis sur les épines. Oui, mon cher, à notre arrivée devant Malte, je fus en prendre possession et détruire la chevalerie. À notre arrivée à Alexandrie, et après l’avoir prise d’assaut, je fus nommé au commandement de la place. Aujourd’hui, après vingt-deux jours d’une marche des plus pénibles dans les déserts, nous sommes arrivés au grand Caire, après avoir battu les mamelouks, c’est-à-dire après les avoir mis en fuite, car ils ne sont pas dignes de notre colère.
xxxx » Me voilà donc, mon ami, revêtu d’une nouvelle dignité que je n’ai pu refuser, lorsque l’on m’y a joint le commandement du Caire. Cette place était trop belle pour moi, pour que je pusse refuser le nouveau grade que Bonaparte m’a offert.
xxxx » La conduite de la brigade, à l’affaire des Pyramides, est unique : elle seule a détruit quatre mille mamelouks à cheval, pris quarante pièces de canon qui étaient en batterie, tous leurs retranchements, leurs drapeaux, leurs magnifiques chevaux, leurs riches bagages, puisqu’il n’est pas de soldat qui n’ait sur lui cent louis ; sans exagérer, plusieurs en ont cinq cents.
xxxx » Enfin, mon cher, j’occupe aujourd’hui le plus beau sérail du Caire, celui de la sultane favorite d’Ibrahim-Bey, soudan d’Égypte. J’occupe son palais enchanté, et je respecte, au milieu des nymphes du Nil, la promesse que j’ai faite à ma bonne amie d’Europe.
xxxx » Cette ville est abominable ; les rues y respirent la peste par leurs immondices ; le peuple est affreux et abruti. Je prends de la peine comme un cheval, et ne puis encore parvenir à me reconnaître dans cette immense cité, plus grande que Paris, mais bien différente.