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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

« Si plus tôt, mon cher Murat, je n’ai pu m’entretenir avec toi, cherches-en la cause dans ma misérable santé, qui, toujours chancelante, me rappelle cruellement et continuellement les traitements affreux que le roi de Naples m’a fait souffrir.

» J’aurais désiré, mon cher Murat, savoir quelque chose de positif sur les cinq cent mille francs que tu m’as dit que le gouvernement napolitain était forcé de payer, par forme d’indemnité, à ceux des prisonniers de guerre qui ont survécu au séjour qu’ils ont fait dans ses prisons. Je me suis adressé à beaucoup de personnes à ce sujet ; mais aucune ne m’a pu dire ce qui existait réellement à propos de cette indemnité. Toi seul, mon cher Murat, es probablement chargé d’en traiter avec le roi de Naples, et je ne doute nullement, en ce cas, que tu ne penses à moi pour cette double raison de l’intérêt que tu as paru prendre à mes malheurs, et de l’amitié éternelle que nous nous sommes mutuellement vouée depuis longtemps. Je te prie de ne pas oublier la réclamation des objets qui m’ont été volés par ce roi, ainsi que le portent les déclarations qui m’ont été remises par ses agents, lors de mon départ de Brindisi, et qui sont dans les pièces que je t’ai laissées. Presse donc la remise de tous ces objets, s’ils ne sont déjà en ton pouvoir, et surtout celle de mes deux chevaux. Tu sais combien je suis attaché à la jument que tu m’as donnée, puisque, faisant jeter neuf chevaux sur onze à la mer, j’ai gardé celle-là.

» Le premier consul a été indigné, m’a-t-on dit, de la conduite tenue par le roi de Naples à mon égard, et m’a promis de me faire restituer tous les objets qui m’ont été enlevés, et particulièrement le sabre qu’il m’a donné à Alexandrie, et qui est entre les mains de ce misérable de Cesare.

» Je désire beaucoup que tu l’aies devancé.

» Tout à toi. »

Mais cette réclamation de mon père, toute juste qu’elle parut d’abord au premier consul lui-même, n’allait pas toute