Page:Dumas - Mes mémoires, tome 1.djvu/194

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seule, ainsi que le prouve cette lettre, adressée à Bonaparte lui-même :

« Le général Lannes m’a fait part que vous ne pouviez m’accorder d’indemnité, avant que vous sachiez si le général Murat avait réellement exigé du gouvernement napolitain cette même indemnité. Personne cependant ne connaît mieux que vous les souffrances que j’ai éprouvées, et combien a été complète la spoliation de mes effets.

» Le général Murat m’écrit que le ministre des relations extérieures est chargé de la répartition d’une somme de cinq cent mille francs, que le gouvernement napolitain s’est obligé de payer aux Français qui ont été victimes de sa barbarie. Je me contenterai donc, citoyen, de vous prier de vouloir bien donner des ordres pour que je sois compris dans l’état de répartition de cette somme.

» J’espère que vous voudrez bien vous intéresser, dans cette juste demande, à un homme à qui vous avez donné tant d’assurances verbales et tant de témoignages écrits de votre estime et de votre amitié. »

On le voit, les nuages de l’Égypte, ces nuages qui, au dire de Bonaparte, ne duraient que six heures, avaient passé la Méditerranée et s’épaississaient sur la tête de mon pauvre père.

Il l’avait cependant dit lui-même : il n’avait pas longtemps à vivre, et ne devait pas tarder à débarrasser Napoléon d’un de ces derniers généraux républicains que Bonaparte avait rencontrés sur sa route.

Hoche était mort empoisonné ; Joubert avait été tué à Novi ; Kléber avait été assassiné au Caire ; mon père éprouvait les premières atteintes d’un cancer à l’estomac, suite naturelle de l’arsenic qui lui avait été donné.

Il va sans dire que mon père ne fut pas compris dans cette répartition des cinq cent mille francs, accordés comme indemnité aux prisonniers.