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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Piémontais, intimidés par cette puissante diversion, n’essayent pas même de résister, de tous côtés ils fuient ; le général Bagdelaune lance à leur poursuite deux bataillons des nouvelles levées de la Côte-d’Or et le deuxième bataillon de chasseurs ; pendant trois lieues, les Piémontais sont poursuivis et relancés, comme des chamois, à la trace du sang ; vingt pièces de canon, six obusiers, treize pièces d’artillerie de montagne, deux cents fusils et deux cents prisonniers sont les trophées de cette double victoire.

Resté le mont Cenis.

C’est pour s’emparer de cette dernière redoute, qui doit compléter la libre et entière occupation de la Savoie, en enlevant aux Piémontais tous les moyens de déboucher dans ce duché à leur volonté et en les forçant à cantonner dans les plaines du Piémont, que le général en chef de l’armée des Alpes a pris toutes ses dispositions.

Déjà plusieurs tentatives avaient été faites et avaient avorté ; dans une de ces tentatives, essayée au mois de février, le général Sarret avait perdu la vie. Le pied lui avait manqué, il avait roulé au fond d’un précipice et son corps était resté enseveli sous les neiges.

De là le soin que mon père avait pris de faire faire des crampons pour lui et pour ses hommes.

Le mont Cenis était attaquable de trois côtés seulement ; le quatrième était tellement défendu par la nature, que les Piémontais s’étaient contentés de le protéger par un rang de palissades.

Pour arriver de ce côté, il fallait monter du fond même d’un abîme.

Mon père simula des attaques sur trois faces ; puis le soir du 19 floréal (8 mai), il partit avec trois cents hommes.

Il devait tourner la montagne, gravir l’inaccessible rocher et donner le signal de l’attaque aux autres corps par son attaque même.

Avant de commencer l’ascension, mon père montra à ses hommes le roc qu’il fallait gravir.

— Tout homme qui tombera, dit-il, doit comprendre d’a-