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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Voyons, franchement, quelle était ton intention en venant chez moi ? dit Saint-Georges.

— De t’y trouver d’abord.

— C’est trop juste ; mais après ?

— Après ?

— Oui.

— Je serais entré dans la chambre où l’on m’aurait dit que tu étais, j’aurais refermé la porte derrière moi, j’aurais mis la clef dans ma poche, et celui de nous deux qui, au bout de cinq minutes, eût encore été vivant se serait chargé de l’ouvrir.

— Alors, dit Saint-Georges, tu vois que j’ai bien fait de ne pas m’y trouver.

Or, comme, en ce moment-là même, la porte s’ouvrait pour annoncer qu’on était servi, la discussion finit et le déjeuner commença.

De l’armée de Sambre-et-Meuse, mon père passa avec la rapidité de mouvements que la Convention faisait exécuter à cette époque à ses généraux, au commandement en chef de l’armée des côtes de Brest ; mais, seize jours après cette nomination, tous ces commandements factices lui déplaisant, il donna sa démission et se retira à Villers-Cotterets, près de ma mère, qui déjà, depuis un an ou deux, était accouchée de ma sœur aînée.

Il était là fort heureux, fort tranquille, et espérait y être fort oublié, près de sa jeune femme, lorsque, le 14 vendémiaire, au matin, il reçut cette lettre :

« Paris, 13 vendémiaire de l’an iv de la République française une et indivisible.

» Les représentants du peuple chargés de la force armée de Paris et de l’armée de l’intérieur,

» Ordonnent au général Dumas de se rendre de suite à Paris, pour y recevoir les ordres du gouvernement.

» J.-J.-B. Delmas.
» Laporte. »xxx