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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 10.djvu/127

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

plus énergique ; c’est inutile : ils ne sont ni craints ni à craindre ; ils se croient fort en avant, et sont tout à fait en arrière ; ils datent de 1793, et nous sommes en 1832. Le gouvernement de Louis-Philippe fait semblant de les redouter beaucoup, et serait bien fâché qu’ils n’existassent point ; car leurs théories sont le carquois où il prend ses armes. Ceux-là, ce ne sont point les républicains, ce sont les républiqueurs. — Il y en a d’autres qui oublient que la France est la sœur aînée des nations, qui ne se souviennent plus que son passé est riche de tous les souvenirs, et qui vont chercher, parmi les constitutions de la Suisse, de l’Angleterre, de l’Amérique, celle qui serait la plus applicable à notre pays : ceux-là, ce sont les rêveurs et les utopistes ; tout entiers à leurs théories de cabinet, ils ne s’aperçoivent pas, dans leurs applications imaginaires, que la constitution d’un peuple ne peut-être durable qu’autant qu’elle est née de sa situation géographique, qu’elle ressort de sa nationalité, et qu’elle s’harmonise avec ses mœurs. Il en résulte que, comme il n’y a pas sous le ciel deux peuples dont la situation géographique, dont la nationalité et dont les mœurs soient identiques, plus une constitution est parfaite, plus elle est individuelle, et moins, par conséquent, elle est applicable à une autre localité que celle qui lui a donné naissance. Ceux-là, ce ne sont point non plus les républicains, ce sont les républiquistes. — II y en a d’autres qui croient qu’une opinion, c’est un habit bleu barbeau, un gilet à grands revers, une cravate flottante et un chapeau pointu : ceux-là ce sont les parodistes et les aboyeurs. Ils excitent les émeutes, mais se gardent bien d’y prendre part ; ils élèvent des barricades, et laissent les autres se faire tuer derrière ; ils compromettent leurs amis, et vont partout se cachant, comme s’ils étaient compromis eux-mêmes. Ceux-là, ce ne sont point encore les républicains, ce sont les républiquets. — Mais il y en a d’autres, madame, pour qui l’honneur de la France est chose sainte, et à laquelle ils ne veulent pas que l’on touche ; pour qui la parole donnée est un engagement sacré, qu’ils ne peuvent souffrir de voir rompre, même de roi à peuple ; dont la noble et vaste fra-