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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 10.djvu/133

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

essayé de peindre l’effet qu’avait produit l’apparition de cet homme au convoi du général Lamarque. Il fut condamné à un mois de prison ! M. l’avocat général Delapalme, qui avait à peu près abandonné l’accusation, au grand étonnement de tout le monde, ne s’en tira qu’en arguant de la folie de l’accusé. Les républicains interprétèrent la chose autrement : l’homme au drapeau rouge n’était pour eux qu’un agent provocateur ; de là l’indulgence du ministère public.

Enfin, dernière nouvelle, peu intéressante pour les autres, mais qui répondait, chez moi, à une espèce de remords : on annonçait comme prochaine, à la Porte-Saint-Martin, la représentation du Fils de l’Émigré.

Je ne manquais donc pas, à chaque auberge où je m’arrêtais, de demander :

— Avez-vous un journal français ?

En arrivant à Kœnigsfelden, c’est-à-dire à l’endroit où l’empereur Albert fut assassiné par Jean de Souabe, son neveu, je renouvelai la question.

— Oui, monsieur, me répondit mon hôte : j’ai le Constitutionnel.

Le Constitutionnel, on se le rappelle, était mon vieil ennemi. Il m’avait déclaré la guerre à propos d’Henri III, et j’avais répondu à sa canonnade par Antony ; c’était moi qui avais inventé la fameuse annonce du désabonnement ; de sorte que je ne pouvais pas recevoir par une plus méchante bouche, des nouvelles de mon fils naturel ; seulement, comme je l’avais laissé aux mains d’Anicet sans le reconnaître le moins du monde, que je ne devais pas’être nommé, que c’était une condition sine qud non, je pensais que les nouvelles seraient indirectes.

J’ouvris donc le Constitutionnel d’une main assez ferme.

Mon étonnement fut grand quand, en tête du feuilleton, je lus ces mots :


« Théâtre de la Porte-Saint-Martin. — Le Fils de l’Émigré, drame de MM. Anicet Bourgeois et Alexandre Dumas… »