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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 10.djvu/153

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

nes, n’étant jamais parvenues à leur destination, on a pensé depuis qu’il les avait livrées, après sa rentrée en France, à la police de Paris, et que le prétendu secrétaire d’ambassade n’était autre qu’un agent qui l’accompagnait, et qui servait, sans doute, quelquefois d’intermédiaire pour transmettre à cette même police les renseignements qu’il tenait de ce fourbe. Il paraît que, jusqu’à cette époque, on avait mis assez peu d’acharnement à découvrir la retraite de Madame, parce qu’on espérait que l’aventureuse princesse, voyant l’inutilité de ses tentatives et toutes ses ressources épuisées, se déciderait à quitter le sol de la France, et tirerait ainsi le gouvernement d’un grand embarras ; mais, quand on vit qu’elle s’obstinait à rester dans un pays encore en fermentation, où sa présence était dangereuse, on avisa sérieusement aux moyens de s’emparer de sa personne, à quelque prix que ce fût.

La police, qui est fertile en ruses, pensa qu’on pourrait se servir de Deutz et de la correspondance dont il était porteur pour faire tomber la duchesse dans un piège, et la livrer aux agents du gouvernement. En conséquence, on fit faire des propositions à ce traître ; il avait été présenté dans des cours ; il avait vu des renégats devenir des illustrations ; il avait la conscience de ses moyens, de sa force et de sa puissance ; il savait que c’était toujours dans les salons des ministres que la perfidie et la raison d’État se donnaient rendez-vous ; il voulut traiter cette affaire avec le ministre seul. Il obtint donc une audience de M. de Montalivet, et ce fut dans le cabinet de cette Excellence qu’on marchanda le prix d’une, infâme trahison.

Ce qui se passa dans cet entretien, quelles promesses furent faites, quelles offres furent acceptées, cela resta un secret entre le ministre et Deutz ; quant à Dieu, il ne se mêle pas, je le présume, de ces sortes d’affaires, voilà pourquoi elles réussissent. Néanmoins, lorsque l’instrument fut trouvé, on hésitait à s’en servir ; l’embarras était grand au château : la duchesse de Berry, arrêtée, devenait justiciable d’une cour d’assises qui pouvait très-bien la condamner à mort ; le roi avait son droit de grâce, il est vrai ; mais il y a des moments