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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 10.djvu/160

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

mouilla avec une eau préparée qui en rendit les caractères lisibles, et laprésenta à la duchesse, qui la lut tout haut devant Deutz. On y recommandait à Madame de ne négliger aucune précaution ; on disait savoir qu’elle serait trahie par une personne en qui elle avait toute confiance.

Se retournant alors vers Deutz, Madame lui dit :

— Vous avez entendu, Deutz ? on m’annonce que je dois être trahie par quelqu’un en qui j’ai une entière confiance. Ce ne sera pas par vous ?

— Oh ! madame, répondit Deutz avec cet aplomb particulier aux grands traîtres, Votre Altesse royale pourrait-elle supposer de ma part une pareille infamie ! moi qui lui ai donné tant de preuves non équivoques de fidélité !… Mais, en effet, on ne saurait prendre trop de précautions.

La duchesse, après un entretien d’une heure, congédia Deutz en le comblant de marques de confiance et de bonté. Il courut aussitôt chez le préfet.

En passant près de la salle à manger, dont la porte était entr’ouverte, il avait jeté un coup d’œil de côté et compté sept couverts ; il savait que les demoiselles Duguigny habitaient seules la maison : il était donc évident que la duchesse allait se mettre à table. Deutz rendit compte à M. Maurice Duval de ce qu’il avait vu, l’invitant à se hâter, afin qu’on pût arriver au milieu du dîner, incertain qu’il était que la duchesse restât dans cette maison.

Le préfet, qui, dès le matin, avait concerté ses mesures avec l’autorité militaire, à laquelle l’état de siège donnait la haute main, se rendit aussitôt chez M. le comte d’Erlon, après avoir préalablement confié Deutz à la garde d’un homme de la police, qui ne devait pas le quitter, tandis que l’on s’assurerait de la.vérité de sa dénonciation.

Le général Dermoncourt avait été immédiatement prévenu par le comte d’Erlon, et, dix minutes après, toutes les dispositions militaires étaient prises, et les ordres donnés au commandant de la place, le colonel Simon Lorrière.

Un assez grand déploiement de forces était nécessaire, pour