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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 10.djvu/19

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Ce fut alors seulement que la défense s’organisa.

L’insurrection campait, en réalité, au cœur de Paris.

La rue Saint-Martin était occupée par deux barricades, l’une au nord, à la hauteur de la rue Maubuée, l’autre au midi, puissamment fortifiée, presque imprenable, à la hauteur de la rue Saint-Merri.

Dans l’espace compris entre ces deux barricades, une maison avait été choisie par les insurgés pour servir à la fois de forteresse, de quartier général et d’ambulance. C’était la maison no 30.

La position avait été choisie par un stratégiste presque aussi habile que M. Thiers.

Elle faisait face à la rue Aubry-le-Boucher ; — par conséquent, si on l’abordait par cette rue, on tombait sous le feu de quatre étages ; si on l’attaquait à revers, on avait affaire aux hommes des barricades.

Un décoré de juillet nommé Jeanne, qui se fit une double célébrité par son courage dans le combat, par sa fermeté devant les juges, commandait ce poste dangereux.

Deux ou trois vieux soldats coulaient des balles avec du plomb arraché aux gouttières.

Des enfants allaient déchirer des affiches le long des murailles, et les rapportaient pour faire des bourres. — Nous publierons dans toute sa naïveté le récit d’un de ces enfants.

Tout à coup, on vient annoncer aux républicains, dont la moitié était sans armes, que, dans la cour de cette même maison no 30, se trouvait une boutique d’armurier.

C’était une nouvelle miraculeuse.

La boutique fut ouverte, et, sans désordre, sans confusion, tout ce qu’il y avait de fusils fut distribué, tout ce qu’il y avait de poudre fut fractionné en mesure égale.

La distribution venait d’être faite lorque retentirent plusieurs coups de fusil, et le cri « Aux armes ! »

— Voici ce qui était arrivé :

Une colonne de gardes nationaux qui reconnaissait la rue Saint-Martin était venue donner dans la barricade.

— Qui vive ? cria la sentinelle.