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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 10.djvu/18

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

À six heures du soir seulement, et après des charges réitérées, les dragons étaient parvenus à se rendre maîtres de la place des Victoires, et ce fut en présence de M. de Lemet, et en passant au milieu d’un double haie de garde nationale que partirent les courriers.

Vers neuf heures un quart du soir, Étienne Arago commandait, en uniforme de lieutenant d’artillerie, une patrouille grise d’une vingtaine d’hommes parfaitement armés et au nombre desquels étaient Bernard (de Rennes) fils, Thomas et Ambert ; il faisait sa jonction avec Bastide, Dussart, Pescheux d’Herbinville et Séchan.

La barricade derrière laquelle j’avais vu Séchan, seul avec sa carabine, comptait alors quarante défenseurs, à peu près.

On passa la nuit à se fortifier.

Vers la même heure, M. Thiers était arrivé à l’état-major. Il avait vu le feu de près : le hasard avait fait qu’il dînait, ce jour-là, au Rocher de Cancale avec Mignet et d’Haubersaert ; ils avaient un instant été enveloppés par les insurgés, qui se concentraient dans les environs du cloître Saint-Merri, et étaient loin de se douter qu’ils eussent si près d’eux trois des plus chauds partisans de Louis-Philippe.

M. Thiers avait tant raconté de batailles dans son Histoire de la Révolution, qu’il était un peu général. Arrivé à la place du Carrousel, il se fit un état-major de MM. de Béranger, de Kératry, Madier de Montjau, Voisin de Gartempe, qui se trouvaient là, et distribua des cartouches, tout en faisant dire aux députés de bonne volonté de venir le rejoindre où il était.

Neuf seulement se rendirent à l’invitation[1].

On savait que le roi devait venir, et on l’attendait avec une grande impatience. À l’air de son visage, on saurait ce qu’il devait faire.

Le roi arriva, calme et même souriant.

Le roi, nous l’avons dit à propos de la façon dont il s’empara du trône, n’avait aucune audace, mais il avait un grand’courage.

  1. Louis Blanc, Histoire de Dix Ans.