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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 10.djvu/201

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Elle est morte, emportant dans la tombe avec elle.
L’angélique secret de son amour fidèle,
De son amour passé sur moi comme un éclair ;
Rayon du paradis tombé dans mon enfer !
Que la terre, toujours à me recevoir prête,
Soit légère à ce sein où reposa ma tête !

. . . . . . . . . . . . . . .



BLANCHE.


Mon père…

TRIBOULET, à sa fille.


Mon père… Est-il ailleurs un cœur qui me réponde ?
Oh ! je t’aime pour tout ce que je hais au monde !
— Assieds-toi près de moi. Viens, parlons de cela.
Dis, aimes-tu ton père ? Et puisque nous voilà
Ensemble, et que ta main entre mes mains repose,
Qu’est-ce donc qui nous force à parler d’autre chose ?
Ma fille, ô seul bonheur que le ciel m’ait permisî
D’autres ont des parents, des frères, des amis,
Une femme, un mari, des vassaux, un cortège
D’aïeux et d’alliés, plusieurs enfants, que sais-je ?
Moi, je n’ai que toi seule ! Un autre est riche ; — eh bien,
Toi seule es mon trésor, et toi seule es mon bien !
Un autre croit en Dieu ; je ne crois qu’en ton âme !
D’autres ont la jeunesse et l’amour d’une femme ;
Ils ont l’orgueil, l’éclat, la grâce et la santé ;
Ils sont beaux ; moi, vois-tu, je n’ai que ta beauté !
Chère enfant ! — ma cité, mon pays, ma famille,
Mon épouse, ma mère, et ma sœur, et ma fille,
Mon bonheur, ma richesse, et mon culte, et ma loi,
Mon univers, c’est toi, toujours toi, rien que toiî
De tout autre côté, ma pauvre âme est froissée.
— Oh ! si je te perdais !… Non, c’est une pensée
Que je ne pourrais pas supporter un moment !
Souris-moi donc un peu. — Ton sourire est charmant !
Oui, c’est toute ta mère ! — Elle était aussi belle.
Tu te passes souvent la main au front comme elle,
Comme pour l’essuyer, car il faut au cœur pur
Un front tout innocent et des yeux tout azur.
Tu rayonnes pour moi d’une angélique flamme. ’
À travers ton beau corps, mon âme voit ton âme,