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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 10.djvu/214

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

votre esprit. — Où est la loi ? où est le droit ? Est-ce que cela peut se passer ainsi ? est-ce qu’il y a eu, en effet, quelque chose qu’on a appelé la révolution de juillet ? Il est évident que nous ne sommes plus à Paris l Dans quel pachalik vivons-nous ?

» La Comédie-Française, stupéfaite et consternée, voulut essayer encore quelques démarches près du ministre pour obtenir la révocation de cette étrange décision ; mais elle perdit sa peine. Le divan… je me trompe, le conseil des ministres s’était assemblé dans la journée.

» Le 23, ce n’était qu’un ordre du ministre ; le 24 ce fut un ordre du ministère.

« Le 23, la pièce n’était que suspendue ; le 24, elle fut définitivement défendue. Il fut même enjoint au théâtre de rayer de son affiche ces quatre mots redoutables : le Roi s’amuse. Il lui fut enjoint, en outre, à ce malheureux Théâtre-Français, de ne pas se plaindre et de ne souffler mot. Peut-être serait-il beau, loyal et noble de résister à un despotisme si asiatique ; mais les théâtres n’osent pas. La crainte du retrait de leur privilège les fait serfs et sujets, taillables et corvéables à merci, eunuques et muets.

» L’auteur demeura et dut rester étranger à ces démarches du théâtre. Il ne dépend, lui, poète, d’aucun ministre. Ces prières et ces sollicitations, que son intérêt mesquinement consulté lui conseillait peut-être, son devoir de libre écrivain les lui défendait. Demander grâce au pouvoir, c’est le reconnaître. La liberté et la propriété ne sont pas choses d’antichambre. Un droit ne se traite pas comme une faveur. Pour une faveur, réclamez devant le ministre ; pour un droit, réclamez devant le pays.

» C’est donc au pays qu’il s’adresse. Il a deux voies pour obtenir justice : l’opinion publique et les tribunaux. Il les choisit toutes deux.

» Devant l’opinion publique, le procès est déjà jugé et gagné. Et, ici, l’auteur doit remercier hautement toutes les personnes graves et indépendantes de la littérature et des