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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 10.djvu/213

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

plicitement écrite dans la Charte, avec toutes les autres libertés de la pensée. La loi fondamentale ajoute : « La censure ne pourra jamais être rétablie. » Or, le texte ne dit pas la censure des journaux, la censure des livres ; il dit la censure, la censure en général, toute censure, celle du théâtre comme celle des écrits. Le théâtre ne saurait donc désormais être légalement censuré.

» Ailleurs, la Charte dit : « La confiscation est abolie. » Or, la suppression d’une pièce de théâtre après la représentation n’est pas seulement un acte monstrueux de censure et d’arbitraire, c’est une véritable confiscation, c’est une— propriété violemment dérobée au théâtre et à l’auteur.

» Enfin, pour que tout soit net et clair, pour que les quatre ou cinq grands principes spéciaux que la révolution française a coulés en bronze restent intacts sur leurs piédestaux de granit, pour qu’on ne puisse attaquer sournoisement le droit commun des Français avec quarante mille vieilles armes ébréchées que la rouille et la désuétude dévorent dans l’arsenal de nos lois, la Charte, dans un dernier article, abolit expressément tout ce qui, dans les lois antérieures, serait contraire à son texte et à son esprit.

» Ceci est formel. La suppression ministérielle d’une pièce de théâtre attente à la liberté par la censure, à la propriété par la confiscation. Tout notre droit public se révolte contre une pareille voie de fait.

» L’auteur, ne pouvant croire à tant d’insolence et de folie, courut au théâtre. Là, le fait lui fut confirmé de toutes parts. Le ministre avait, en effet, de son droit divin de ministre, intimé l’ordre en question. Le ministre n’avait pas de raison à donner. Le ministre lui avait pris sa pièce, lui avait pris son droit, lui avait pris sa chose. Il ne restait plus qu’à le mettre, lui, poète, à la Bastille.

» Nous le répétons, dans le temps où nous vivons, lorsqu’un pareil acte vient vous barrer le passage, et vous prendre brusquement au collet, la première impression est un profond étonnement, Mille questions se pressent dans