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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 10.djvu/22

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

tenir pins longtemps : ceux qui la gardaient se réfugièrent chez Bastide et Thomas, et s’échappèrent par une petite fénêtre donnant sur une ruelle.

À quatre heures du matin, au reste, le bruit courait que tout était apaisé.

Après une nuit fiévreuse, je m’étais levé pour aller aux nouvelles ; mais, ne pouvant marcher, j’avais pris une voiture.

Je me fis conduire rue des Pyramides. J’espérais y voir Arago, et avoir par lui des nouvelles.

Ni lui ni Bernard (de Rennes) fils n’étaient rentrés ; M. Bernard (de Rennes) et ses deux charmantes filles — que je n’ai pas revues depuis ce jour-là, je crois, — étaient fort inquiets ; mais, pendant que j’étais là, un coup de sonnette vigoureusement accentué retentit.

Ce coup de sonnette annonçait certainement quelque nouvelle, bonne ou mauvaise.

On courut à la porte, et ce ne fut qu’un cri de joie. Le père avait retrouvé son fils, les sœurs revoyaient leur frère.

Je laissai toute cette excellente famille caressant son en* fant prodigue, et je montai chez Arago.

Il quittait son costume d’artilleur.

— Derrière quelle barricade as-tu donc passé la nuit ? me demanda-t-il en me voyant pâle comme un mort.

— Dans mon lit, malheureusement… Et toi ? Il me raconta l’histoire de la barricade de la rue de Ménilmontant.

— Voilà tout ce que tu sais ? demandai-je.

— Que veux-tu que je sache ? Je quitte mon fusil… Mais viens avec moi au National, nous aurons des nouvelles.

Nous descendîmes. Sur l’escalier, nous rencontrâmes Charles Teste, qui se rendait chez Bernard (de Rennes).

— Ah ! te voilà, déserteur ? dit-il à Arago.

— Comment, déserteur ? s’écria celui-ci. Je viens de me battre.

— C’est bien comme cela que je l’entends ; mais sache qu’il y a plusieurs manières de déserter : tu étais maire ; ta place