Page:Dumas - Mes mémoires, tome 10.djvu/23

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
20
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

était, non derrière une barricade, mais à ta permanence ; quand on est tête, il ne faut pas se faire bras… Parbleu ! moi aussi, j’aurais voulu prendre un fusil, ce n’est pas bien malin ; mais je me suis dit : » Halte-là, Charles ! tu es tête, ne te fais pas bras ! »

Pour qui connaissait Charles Teste, l’homme était tout entier dans les quelques mots qu’il venait de prononcer, ou plutôt dans un seul mot : le devoir.

Nous arrivâmes au National ; on avait grand’peine à pénétrer dans les bureaux : ils étaient encombrés.

Là, nous apprîmes la dispersion de la barricade du Saumon ; mais, en même temps, nous sûmes que la rue Saint-Merri tenait encore.

En ce moment, de Latouche entra consterné.

— Tout est fini ! dit-il.

— Comment, tout ?

— Oui, tout.

— En viens-tu ?

— Non, mais je rencontre à l’instant même quelqu’un qui en vient.

— Bon’! dit Arago, il y a encore de l’espoir alors… Qui vient avec moi ?

— J’en mourais d’envie, mais à peine pouvais-je marcher ; un excellent garçon, ami à nous, décoré de juillet comme nous, Howelt, que je rencontre encore de temps en temps, se présenta.

— Va chez Laffitte, me dit Arago, et dis à François, s’il y est, que je suis allé aux nouvelles.

J’allai chez Laffitte.

Toute l’assemblée était dans une effroyable confusion. On proposait d’envoyer à Louis-Philippe une députation qui protestât contre la révolte de la veille. Mais, il faut le dire, cette proposition fut repoussée avec horreur et mépris.

Je me rappelle un mot de Bryas, qui fut superbe d’indignation.

Son fils, élève de l’École polytechnique, était parmi les insurgés.