Aller au contenu

Page:Dumas - Mes mémoires, tome 10.djvu/235

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
232
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

forcés à temps ; à la déportation, soixante et douze ; à la réclusion, dix-huit ; au bannissement à perpétuité, soixante et douze ; au bannissement temporaire, trente-cinq. Enfin, le total général des condamnations graves ou légères, depuis al peine de mort jusqu’à la surveillance, s’élevait à deux mille quatre cent soixante-six !

Au milieu de tout cela, le 12 décembre, Hérold donnait un chef-d’œuvre : le Pré-aux-Clercs.

L’art est un roi qui marche souriant à travers les révolutions, et qui regarde en mépris tous ces bouleversements auxquels il doit survivre.

CCLIX

Victor Jacquemont.

Comme s’achevait cette sanglante année 1832, pendant laquelle le choléra seul avait prélevé sur la population de la France une dîme de quatre-vingt-quinze mille morts, les autorités de Bombay menaient le deuil d’un jeune savant de la plus haute distinction, de Victor Jacquemont.

En sa qualité de savant, Victor Jacquemont détestait les hommes d’imagination ; il nous haïssait tout particulièrement, nous autres dramaturges. Il avait quitté la France en 1828, c’est-à-dire avant le grand mouvement littéraire qui s’était produit, et il ne jugeait du mouvement que par les feuilletons des journaux.

« Tout cela est de bien mauvais goût ! disait-il dans une de ses lettres, qu’un de mes amis me montra avec l’empressement ordinaire qu’ont les amis à vous fourrer sous le nez ces sortes d’alcalis. — En mettant sous la remise les Grecs, les Romains et les marquis de notre vieux théâtre, nous n’avons pas été heureux dans leurs successeurs. »

Il nous appelait messieurs de l’horrible.

Pauvre Jacquemont ! je le connaissais à peine ; je l’avais vu une fois chez le général la Fayette, qui le traitait en fils. L’il-