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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 10.djvu/269

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

des vers de moi, un fragment de mon élégie sur la mort du général Foy, autant qu’il m’en souvient.

Plus tard, ce fut le point de repère de notre connaissance à Paris.

Un jour, j’entrais au café des Variétés. Desforges causait avec Théaulon. Tbéaulon me dit bonjour d’un mouvement de tête.

Un moment après, Desforges vint à moi.

— Savez-vous, me dit-il, ce que prétend Théaulon à propos de vous ?

— Théaulon m’aime beaucoup ; il ne faut pas croire aveuglément ce qu’il dit, et même ce qu’il pense de moi.

— Eh bien, il m’a dit : « Vois-tu ce grand garçon maigre, il nous distancera tous tant que nous sommes en littérature. »

J’envoyai à Théaulon un sourire de doute et un signe de remercîment.

De ce jour, date notre connaissance, disons mieux, notre amitié avec Desforges.

Tandis que Desforges était à Bordeaux, et fondait le Kaléidoscope, Ferdinand Langlé fondait à Paris le journal la Nouveauté ; encore une tribune ouverte à la nouvelle école, encore un jalon marquant un pas fait en avant,

Langlé avait eu une idée financière qui n’était pas trop mauvaise pour un aide-chirurgien aux gardes, surtout quand on pense que cette idée précédait de sept ans l’apparition d’Émile de Girardin, c’est-à-dire de l’homme qui a eu le plus d’idées en fait de presse : les mille premiers abonnés de la Nouveauté, versant soixante francs argent, devenaient propriétaires de la moitié des actions du journal ; l’autre moitié appartenait naturellement au fondateur, Ferdinand Langlé.

Quinze jours après le prospectus lancé, il y avait soixante mille francs en caisse.

Quand je dis en caisse, par malheur, il n’y avait pas de caisse : ce fut le défaut d’emplacement fixe pour serrer l’argent qui fit qu’au bout d’un certain temps, il n’y eut plus qu’un caissier.