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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 10.djvu/28

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

» Tout à coup, un escadron de cavalerie s’élança à franc étrier sur le peuple, et fit une charge terrible ; plusieurs coups de feu furent tirés en même temps.

» Quoique blessé au pied, comme j’ai dit, je ne restai pas le dernier sur la place. En me sauvant, je rencontrai un de mes amis nomme Auguste.

» — Où vas-tu ? lui demandai-je.

» — Avec les républicains, donc ! me répondit-il.

» — Quoi faire ?

» — Attaquer tous les postes des barrières. — Viens-tu, toi ?

» — Ma foi ! oui.

» Et j’y allai.

» Quelques corps de garde résistèrent, mais presque tous se rendirent sans faire feu.

» Je n’avais pas d’arme, c’était mon enragement.

» Par bonheur, à l’attaque de l’un des postes, un jeune homme bien vêtu et de belles manières tire un coup de pistolet ; il était trop chargé : la crosse s’en va d’un côté, et le canon de l’autre.

» Quant au jeune homme, il tombe sur son derrière.

» Je saute alors sur le canon, je le ramasse et je le mets dans ma poche, avec l’intention de le monter sùr affût.

» — Bon ! les républicains auront de l’artillerie, dit Auguste.

» Pendant ce temps, le jeune homme au pistolet se relève ; il était blessé A la main, et le sang coulait en abondance.

» — Voyons un peu de linge ; dit-il : qui a un peu de linge ?

» Un enfant en blouse déchire sa chemise, et en donne les morceaux au blessé, qui l’embrasse.

» — Tiens, dis je à Auguste, comme c’est drôle ! je n’ai jamais pleuré au spectacle, et voilà que je pleure.

» En moins de trois heures, tous les postes étaient pris et désarmés jusqu’à la barrière du Trône.

» Alors, nous traversâmes le faubourg Saint-Antoine, et arrivâmes sur la place de la Bastille.

» En ce moment, je songeais sérieusement à rentrer chez mon père ; mais deux artilleurs de la garde nationale ma