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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 10.djvu/30

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

» Ne pouvant passer l’eau, et craignant d’étrc ramassés par les patrouilles, nous retournâmes chez, madame Aumain.

» Elle nous accueillit comme une : mère eût fait de ses propres enfants, et nous improvisa un lit dans la salle à manger.

» Le lendemain, à quatre heures du matin, madame Aumain nous réveilla et nous dit de nous en aller bien vite pour ne pas laisser plus longtemps nos mères dans l’inquiétude.

» C’était bien facile à dire : « Allez-vous-en ! » mais, pour revenir du faubourg Saint-Jacques au faubourg Saint-Antoine, il fallait passer par l’hôtel de ville.

» Plus de deuxmille hommes stationnaient sur la place de Grève ; il n’y avait pas moyen de passer : nous nous arrêtâmes deux ou trois heures à regarder aller et venir les soldats.

» À chaque instant, de gros détachements arrivaient, se succédant le long des quais.

» Vers sept heures, un officier accourt tout effaré en criant : « Aux’armes ! « 

» Alors, tous les curieux se précipitent du côté de la rue des Arcis.

» Comme tout le monde, nous courions pour voir ce qui se passait de ce côté-là.

» Une forte barricade s’appuyait, d’un côté, contre le coin de la rue Aubry-le-Boucher, et, de l’autre, contre la maison no 30 de la rue Saint-Martin.

» On voyait bien que nous n’étions pas des ennemis, Auguste et moi ; aussi les républicains nous laissèrent-ils franchir la barricade.

» À quelque distance de la première, il y en avait une seconde, à la hauteur de la rue Maubuée.

» Dans l’intervalle se tenaient une soixantaine : d’hommes armés.

» Des vieillards et des enfants faisaient : des cartouches. Les femmes effilaient de la charpie.

Sur chaque barricade flottait un drapeau rouge. Un citoyen le soutenait de la main gauche, et brandissait un sabre de la main droite.