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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Le conducteur obtempéra à ma demande, et, au bout d’une heure et demie de marche, j’entrai dans la ville natale de Jean-Jacques Rousseau et de Pradier.


CCXLVI

Grands éclaircissements sur le bifteck d’ours. — Jacotot. — Une épithète malsonnante. — Un feutre séditieux, — Des carabiniers trop spirituels. — Je me brouille avec le roi Charles-Albert à propos de la dent du Chat. — Les princes et les hommes d’esprit.

En 1842, je revenais de Florence pour une fort triste et fort cruelle cérémonie : je revenais pour assister aux funérailles de M. le duc d’Orléans.

C’est une des singularités de ma vie, d’avoir connu tous les princes ; et, avec les idées les plus républicaines de la terre, de leur avoir été attaché du plus profond de mon cœur.

Or, qui m’avait appris, à Florence, la mort du duc d’Orléans ? Le prince Jérôme-Napoléon.

Je venais dîner à Quarto, — charmante maison de campagne située à quatre milles de Florence, — chez l’ancien roi de Westphalie, son père, lorsque, me prenant à part :

— Mon cher Dumas, me dit-il, je vais vous apprendre une nouvelle qui vous fera grand’peine.

Je le regardai avec inquiétude.

— Monseigneur, lui dis-je, j’ai reçu, ce matin des nouvelles de mes deux enfants : ils se portent bien ; à part les accidents qui peuvent leur arriver, je suis préparé à tout.

— Eh bien, le duc d’Orléans est mort !

J’avoue que ce fut pour moi un coup de foudre.

Un cri et des larmes vinrent en même temps ; je me jetai dans les bras du prince.

N’était-ce pas chose curieuse, que de voir un homme pleurant un duc d’Orléans dans les bras d’un Bonaparte ?

Le même soir, je partis pour Livourne ; le lendemain, je m’embarquai sur le bateau à vapeur de Gênes. La mer, mau-