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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 10.djvu/53

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

couchés que nous étions les uns sur les autres ; ils comptaient, probablement, mettre un second rang en travers. Le second rang manqua, par bonheur !

Après deux heures d’attente inutile, on démarra enfin.

Pendant une heure, le vent tint à peu près la parole qu’il nous avait donnée au moment du départ ; pendant cette heure, nous dûmes faire une lieue ou une lieue et demie.

Puis le vent tomba.

J’avais cru que, les cas échéant, nos bateliers s’attelleraient aux rames ; mais point ! nous descendîmes la Saône du même train que faisait un chien noyé qui flottait à vingt pas de nous !

Le lendemain, à trois heures de l’après-midi, juste en même temps que notre chien noyé, qui nous tenait fidèle compagnie, nous eûmes connaissance de l’île Barbe.

Cinquante minutes après, nous étions à Lyon.

Il fallait que ma santé fût déjà bien robuste pour résister à la nuit que je venais de passer sur la Saône.

Nous restâmes trois jours à Lyon, et, le troisième jour, à trois heures du soir, nous prîmes la voiture de Genève.

À six heures du matin, le conducteur nous ouvrait la portière en disant :

— Si ces messieurs veulent faire un bout de chemin à pied, ils en ont le loisir.

C’était une invitation que nous transmettaient nos chevaux, lesquels trouvaient que, pour gravir la montée du Cerdon, la voiture était déjà bien assez lourde sans nous.

C’est à cette montée que commencent les premières rampes des Alpes ; elles conduisent au fort de l’Écluse, placé à cheval sur la route, et sous la voûte duquel on visite les passe-ports.

Au bout de trois heures de marche, en sortant de Saint-Genis, le conducteur, que j’avais prié de m’avertir au moment précis où je serais en Suisse, se retourna vers moi, et me dit :

— Monsieur, vous n’êtes plus en France.

— Et à combien suis-je de Genève ?

— À une heure et demie de marche.

— Alors, laissez-moi descendre ; je ferai le reste de la route en me promenant.