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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 10.djvu/6

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

À l’instant même, les ardents sortirent du National, et l’on s’en alla tenir conseil chez Ambert, rue Godot-de-Mauroi.

Voici ce qui s’était passé au boulevard Bourdon, d’où arrivait Thomas :

Comme nous l’avons dit, les dragons étaient sortis de la caserne des Célestins, et après s’être avancés rapid ement, s’étaient arrêtés à deux cents pas du pont. La multitude toute frémissante leur faisait face. De la multitude sortit en ce moment la voiture du général la Fayette, traînée par les jeunes gens.

Ceux qui marchaient devant, criaient : « Place à la Fayette ! »

Les dragons ouvrirent leurs rangs, et laissèrent passer le général, les jeunes gens et la voiture.

À peine le général était-il passé, que plusieurs coups de fusil retentirent.

Qui tira ces coups de fusil ? C’est ce qu’il fut impossible de constater, c’est ce que nous ignorons nous-même. — C’est la question éternelle que refait l’histoire, sans que la vérité y réponde jamais ; c’est l’énigme du 10 août, c’est l’énigme du 5 juin, l’énigme du 24 février.

En un instant, les dragons furent écrasés de pierres ; des enfants se glissèrent jusque sous le ventre des chevaux, éventrant les animaux sous les hommes.

La conduite des dragons et de leur commandant, M. Dessolier, futadmirable : ils supportèrent tout sans charger ni faire feu.

L’attaque devait venir d’un autre côté.

Un sous-officier était parti au galop, pour prévenir le colonel, resté aux Célestins. Ce sous-officier fit son rapport ; le colonel résolut non-seulement de dégager ses soldats en faisant une diversion, mais encore de prendre les insurgés entre deux feux. Il sortit à la tête d’un second détachement, et, trompettes en tête, déboucha par la place de l’Arsenal. Mais à peine avait-il fait cent pas, qu’une décharge de mousquelerie éclata, et que deux dragons tombèrent.

Alors, les dragons prirent le galop, et vinrent, pour se venger de la fusillade essuyée, charger la foule, du boulevard Bourdon.