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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 10.djvu/71

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Comme ils parlaient, la nue éclatante et profonde
S’entr’ouvrit, et l’on vit se dresser sur le inonde
L’homme prédestiné !
Et les peuples béants ne purent que se taire ;
Car ses deux bras levés présentaient à la terre
Un enfant nouveau-né I

Cet enfant était le roi de Rome, — celui qui venait de mourir.

À l’époque où son père le présente au balcon des Tuileries, comme Louis XIII présenta Louis XIV au balcon de Saint-Germain, il était l’héritier de la plus puissante couronne ; à cette époque, l’empereur entraînait dans son orbite la moitié de la population de la chrétienté ; ses ordres étaient entendus et obéis dans un espace qui comprend dix-neuf degrés de latitude ; et quatre-vingt millions d’hommes criaient « Vive Napoléon ! » dans huit langues différentes.

Revenons au poëte :


Ô revers, ô leçon ! Quand l’enfant de cet homme
Eut reçu pour hochet la couronne de Rome ;
Lorsqu’on l’eut revêtu d’un nom qui retentit ;
Lorsqu’on eut bien montré son front royal qui tremble
Au peuple, émerveillé qu’on puisse tout ensemble
Être si grand et si petit !

Quand son père eut, pour lui, gagné bien des batailles ;
Lorsqu’il eut épaissi de vivantes murailles
Autour du nouveau-né, riant sur son chevet ;
Quand ce grand ouvrier, qui savait comme on fonde,
Eut, à coups de cognée, à peu près fait le monde
Selon le songe qu’il rêvait ;

Quand tout fut préparé par les mains paternelles,
Pour doter l’humble enfant de splendeurs éternelles.
Lorsqu’on eut de sa vie assuré les relais ;
Quand, pour loger un jour ce maître héréditaire,
On eut enraciné, bien avant dans la terre,
Le pied de marbre des palais ;