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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Cette femme, c’était la comtesse Camerata » fille d’Élisa Bacciochi.

Elle arriva un jour à Vienne, et se logea à l’hôtel du Cygne, dans la rue de Carinthie. — C’était vers le commencement de novembre 1830.

Un soir, en rentrant chez M. d’Obenaus, son gouverneur, le duc de Reichstadt trouva sur le palier de l’escalier une jeune femme qui l’attendait, enveloppée d’un manteau écossais. Dès quelle aperçut le duc, cette jeune femme s’avança vivement vers lui, lui prit la main, la serra, puis la porta à ses lèvres avec l’expression de la plus vive tendresse.

Le prince s’arrêta tout étourdi.

— Madame, demanda M. d’Obenaus, qui accompagnait le duc de Reichstadt, que faites-vous, et quelle est votre intention ?

— Qui me refusera, s’écria l’inconnue, de baiser la main du fils de mon souverain ?

Et elle disparut.

Quelques jours après, le duc trouva sur sa table une lettre d’une écriture inconnue ; il l’ouvrit.

Elle était datée du 17 novembre, et contenait les lignes suivantes :


« Prince,

» Je vous écris pour la troisième fois ; dites-moi si vous avez reçu mes lettres, et si vous voulez agir en archiduc autrichien ou en prince français. Dans le premier cas, livrez mes lettres : en me perdant, vous acquerrez une position plus élevée, et cet acte de dévouement vous sera attribué à gloire. Mais, si, au contraire, vous voulez profiter de mes avis, si vous agissez en homme, vous verrez combien les obstacles cèdent devant une volonté calme et forte. Vous trouverez mille moyens de me parler, que, seule, je ne puis embrasser. Vous ne pouvez avoir d’espoir qu’en vous : que l’idée de vous confier à quelqu’un ne se présente même pas à votre pensée ! Sachez que, si je demandais à vous voir même devant cent