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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Alors, le style des lignes qu’on vient de lire nous explique ce qui suit :

— Vous avez un noble but devant vous, monseigneur, disait M. de Prokesch au jeune duc. L’Autriche est devenue votre patrie adoptive… (Pauvre enfant ! qui se rappelait les Cosaques parce qu’ils l’avaient conduit hors de France) ! L’Autriche est devenue votre patrie adoptive, et vous pouvez, par vos talents, vous préparer à lui rendre dans l’avenir d’immenses services !

— Je le sens comme vous, monsieur, répondit le duc de Reichstadt. Mes idées ne doivent pas se porter à troubler la France ; je ne veux pas être un aventurier, je ne veux pas surtout servir d’instrument et de jouet au libéralisme. Ce serait déjà pour moi le but d’une assez noble ambition, que de m’efforcer de marcher, un jour, sur les traces du prince Eugène de Savoie. Mais comment me préparer à un si grand rôle ? comment atteindre à une semblable hauteur ? Je désire trouver autour de moi des hommes dont les talents et l’expérience me facilitent les moyens de fournir, s’il est possible, cette honorable carrière.

N’est-ce pas que ce n’est point là le style que vous eussiez supposé au fils de l’homme des proclamations de Marengo, des Pyramides et d’Austerlitz ! Il est vrai que, lorsque nous empruntons du Reichstadt à M. de Montbel, c’est traduit du carlisme, et que, quand nous en empruntons à M. de Prokesch, c’est traduit de l’autrichien.

La révolution de juillet arriva : elle eut son retentissement dans le monde entier.

Cette fois, les yeux de tout un parti se tournèrent vers Napoléon II ; et, chose étrange ! ce fut M. de Talleyrand qui se chargea d’être, à Vienne, l’organe de ce parti.

Il va sans dire que toutes les propositions furent repoussées.

C’est alors qu’une femme au cœur viril, Napoléon de famille, d’âme et de visage, essaya de réveiller dans l’esprit du jeune prince quelque chose de ce qu’Ulysse allait redemander à Achille, perdu parmi les filles de Déidamie.