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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/101

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Un régiment anglais marchait de concert avec eux.

Deux officiers anglais nous échurent.

Le fameux haricot de mouton avait reparu. Nos hôtes étaient deux braves jeunes gens pleins d’appétit qui lui firent honneur.

Ils ne parlaient pas français ; il est inutile de dire que je ne savais pas un mot d’anglais à cette époque. L’un d’eux eut l’idée de me parler latin.

J’avoue que, d’abord, je crus qu’il continuait à me parler anglais, et que j’admirai sa persistance.

Enfin, je découvris qu’il me faisait, dans la langue de Virgile, l’honneur de m’offrir de boire un verre de vin avec lui.

J’acceptai, et, pendant le reste de la journée, nous pûmes nous entendre, ou à peu près.

Le dépôt de mendicité, que nous avions tant maudit, nous sauva d’une garnison étrangère ; de sorte que cette grande inondation anglaise, russe et prussienne, ne fit que passer chez nous, mais ne séjourna point.

Puis les nouvelles nous arrivèrent de Paris, de la province et de l’étranger.

Quelques-unes de ces nouvelles étaient terribles pour nous.

Le 2 juillet, en même temps que les puissances alliées déclaraient Napoléon prisonnier de guerre, on assassinait le maréchal Brune à Avignon.

Hélas ! c’était le seul de tous les amis de mon père qui nous fût resté fidèle !

Je me dis alors qu’un jour, quand je serais homme, j’irais à Avignon, et que, d’une façon ou d’une autre, je ferais payer sa mort à ses assassins.

J’ai tenu parole.

Le 19 août, comme Napoléon arrive à la hauteur du détroit de Gibraltar, Labédoyère est fusillé.

Enfin, le 7 décembre, le maréchal Ney est fusillé dans l’allée de l’Observatoire.

Puis tout reprit sa marche naturelle, et, dans notre petite ville, éloignée de tout bruit, isolée au milieu de sa forêt, on