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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/107

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS


XL


Chasse aux alouettes. — Je deviens fort en thème. — La perdrix démontée. — Au bout du fossé, la culbute. — La ferme de Brassoire. — Boutade de M. Deviolaine en trouvant sa femme accouchée.

Quel savant ornithologiste a découvert le premier la coquetterie des alouettes ? Quel profond philosophe a deviné qu’en agitant des plaques de métal ou de verre, les alouettes viendraient s’y mirer, pourvu que ces plaques fussent brillantes, et que, plus elles seraient brillantes, plus les folles petites bêtes viendraient facilement et abondamment ?

Ce plaisir de se voir coûta la vie à une vingtaine d’alouettes, et, pour ma part, je fus le bourreau de six.

J’avais tiré trente coups de fusil, à peu près ; mais M. Picot n’en déclara pas moins que c’était très-bien pour un commençant, et que je donnais des espérances.

M. Picot ne s’était pas le moins du monde donné la peine de charger mon fusil, et il ne m’était arrivé aucun accident.

Aux premières maisons, je quittai M. Picot ; je tenais fort à traverser la ville, mon fusil sous le bras, mes alouettes au cou. Jamais Pompée ou César, rentrant à Rome en triomphateurs, ne furent aussi fiers que moi.

Hélas ! comme tout s’use en ce monde, joie, douleur et même vanité ! Un moment vint où, comme César, j’abandonnai le triomphe à mes lieutenants.

Je n’eus plus qu’une pensée : c’était la chasse promise pour le dimanche suivant, si l’abbé Grégoire était content de moi.

On sait comment je faisais mes versions ; je jugeai à propos de ne rien changer âmes habitudes ; quant aux thèmes, j’y mis une telle attention, que l’abbé Grégoire déclara que, si je continuais, je pourrais avant un an entrer en sixième dans un collège de Paris.

En outre, j’appris pour ma satisfaction personnelle deux ou trois cents vers de Virgile.

Si mauvais latiniste que je sois, j’ai toujours adoré Virgile :