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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/119

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

rivait, je reprenais aussi vite qu’il m’était possible ma tranquillité et rentrais dans l’endroit d’où j’étais sorti, les mains derrière le dos, comme Napoléon, et chantant Fleuve du Tage ou Partant pour la Syrie, romances fort à la mode à cette époque, d’une voix presque aussi fausse que l’était celle du grand roi Louis XV.

Malheureusement, Mas, le domestique de M. Deviolaine, m’avait vu ; de sorte que ma légèreté à sauter les barrières fut, pendant quinze jours, l’objet des félicitations ironiques de Cécile, d’Augustine et de Félix.

Heureusement que Louise ne pouvait pas encore parler ; sans quoi, elle s’en fût bien certainement mêlée comme les autres.

Mas attelait la voiture de son maître ; car, forcé d’être le lendemain de très-bonne heure à l’inspection, M. Deviolaine préférait revenir de nuit : il faisait, d’ailleurs, un magnifique clair de lune.

M. Moquet fit à M. Deviolaine mille instances pour qu’il restât ; mais c’était un parti pris, et M. Deviolaine insista pour qu’on se mit en route le soir même.

Il y avait chez M. Moquet une habitude que j’ai rarement retrouvée, même dans les maisons qui se piquent d’aristocratie : c’est que, les chasseurs partis, jamais une pièce de gibier ne restait à la ferme ; chacun avait, dans la caisse de sa voiture, dans sa bourriche ou dans sa carnassière, sa part de gibier faite par le maître de la maison : lui seul était toujours oublié.

En arrivant à Villers-Cotterets, nous trouvâmes sept lièvres dans les coffres de la voiture.

Il y en avait eu trente-neuf de tués en tout.

Qu’on me permette de consigner ici une étrange preuve d’amour d’une chienne pour ses petits.

À Figaro, ce chien si spirituel qu’avait mon beau-frère lorsque je fis sa connaissance, chien qui montait la garde, qui dansait le menuet, qui saluait les gendarmes, et montrait son derrière aux gardes champêtres, avait succédé une charmante chienne braque, nommée Sabine. Elle n’avait aucun des ta-