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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/203

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sœur du chanoine lui remit une lettre qu’en sortant doña Lorenza avait laissée pour lui.

» Samud ne douta point que cette lettre ne lui enjoignit la plus grande diligence. Au reste, c’était la première qu’il en recevait ; il sentit tout le prix de cette faveur, baisa tendrement la lettre, la décacheta, et, le cœur bondissant, la respiration haletante, il lut ce qui suit :

« Mon cher enfant,

» Depuis quinze jours, je me reproche d’abuser, comme je le fais, de la complaisance que vous croyez devoir à mon oncle, qui vous a fort indiscrètement prié d’être mon cavalier. Quelques efforts que vous fassiez pour cacher l’ennui que vous causent des occupations au-dessus de votre âge, je me suis aperçue des dérangements que je cause dans vos habitudes, et je me les reproche. Retournez donc à vos jeunes camarades, qui vous attendent pour jouer aux barres et au petit palet. Soyez, au reste, sans inquiétude sur moi ; j’ai accepté, pour le peu de temps que j’ai encore à rester chez mon oncle, le bras de M. Audim.

» Recevez, mon cher enfant, tous mes remercîments pour » votre complaisance ; et croyez-moi votre bien reconnaissante

» Lorenza. »

» La foudre tombée aux pieds de notre écolier ne l’eût pas plus anéanti que ne fit cette lettre. À la première lecture, il ne sentit que le coup ; il la relut deux ou trois fois, et sentit la douleur.

» Alors il lui vint à l’esprit que, puisqu’il avait négligé jusque-là tous les moyens de prouver à la belle Lorenza qu’il n’était pas un enfant, il lui en restait un seul pour lui prouver qu’il était un homme : c’était de provoquer Audim, et de se battre avec lui ; et, ma foi, séance tenante, notre écolier, qui est fort rageur, écrivit à son rival la lettre suivante :