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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/207

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

rues de la ville et dans les allées du parc ce monde d’abeilles aux ailes d’or.

La seconde classe était représentée par la famille Deviolaine. Sur cinq des filles de M. Deviolaine, deux étaient mariées, comme je l’ai dit ; c’étaient Léontine et Éléonore ; trois restaient, Cécile, Augustine et Louise. Cécile avait vingt ans, Augustine seize ; Louise n’avait pas encore d’âge.

Cécile avait conservé son esprit changeant et fantasque, sa physionomie mouvante et railleuse, ses mouvements plus masculins que féminins, sa peau brunie par le soleil, dont elle ne s’était jamais inquiétée de combattre les rayons.

Augustine, au contraire, avait la peau blanche comme le lait, de grands yeux bleus pleins de sérénité, des cheveux châtain foncé, encadrant admirablement son visage, des épaules arrondies d’une forme charmante, une taille sans exiguïté, et, au contraire de sa sœur Cécile, une grâce toute féminine.

Entre elle et Louise Collard, Raphaël eût été embarrassé pour prendre un modèle de sa Madone, et, comme le sculpteur grec, il eût choisi les beautés de l’une et de l’autre pour en faire cette œuvre de perfection que l’art atteint parfois en dépassant la nature.

Autour de la famille Deviolaine se groupaient les autres jeunes filles de la bourgeoisie :

Les deux demoiselles Troisvallet, Henriette et Clémentine : — Clémentine, brune, avec d’admirables cheveux noirs, des yeux d’une puissance étrange, un teint romain, un type de Velletri ou de Subiaco, une tête d’Augustin Carrache ; — Henriette, grande, blonde, rose, mince, gracieuse, pliant sous cette douce brise de la jeunesse, comme un roseau, comme un épi, comme un saule : une de ces têtes de genre, moitié mélancoliques, moitié souriantes ; le passage de l’ange à la femme ; tous les besoins de la terre, mais toutes les aspirations du ciel.

Puis les demoiselles Perrot, Sophie et Pélagie, charmantes toutes deux ; Louise Moreau, douce jeune fille, et depuis adorable mère de famille ; Éléonore Picot, dont j’ai parlé, — cette