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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/212

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

avait très-bien dit la nièce de l’abbé Grégoire, — et les jeunes gens déjà en train de devenir des hommes.

Au lieu de redescendre vers les premiers, comme m’en avait donné le conseil ma belle Parisienne, je m’accrochais aux seconds, en me haussant sur la pointe du pied pour atteindre à mes seize ans.

Au reste, quand on me demandait mon âge, je m’en donnais dix-sept.

Les trois jeunes gens avec lesquels j’étais le plus intimement lié, étaient, le premier, Fourcade, directeur de l’école d’enseignement mutuel, envoyé de Paris à Villers-Cotterets, et qui m’avait servi de vis-à-vis lors de mon début chorégraphique.

C’était un garçon d’une éducation solide, d’un esprit distingué, fils d’un homme très-honorablement connu aux affaires étrangères ; son père avait longtemps habité l’Orient, et avait été consul à Salonique.

Son choix amoureux s’était fixé sur Joséphine Thierry, et il passait avec elle tout le temps que lui laissait sa classe.

Le second se nommait Saunier ; il avait été mon condisciple chez l’abbé Grégoire ; il était second clerc chez M. Perrot, notaire ; son père et son grand-père étaient serruriers, et, dans ce temps de flânerie de ma première jeunesse, je passais une partie de mon temps dans leur forge à ébrécher leurs limes et à faire des feux d’artifice avec de la limaille de fer.

Saunier avait deux passions, entre lesquelles il partageait ses loisirs : l’une — celle qui, je le crois bien, passait avant l’autre — était la clarinette ; l’autre était Manette Thierry.

Le troisième de mes amis intimes se nommait Chollet ; il servait de lien, comme âge, entre Fourcade et Saunier ; il habitait chez un de mes cousins, nommé Roussy, le père de cet enfant dont j’avais été parrain, à neuf mois, avec Augustine Deviolaine. Il y étudiait l’exploitation forestière. Je ne sais pas ce qu’était sa famille ; sans doute riche, car, lorsque j’allais chez lui, un certain nombre de pièces de cinq francs éparses sur la cheminée, et, au milieu desquelles brillaient toujours fastueusement deux ou trois pièces d’or, éblouis-