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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/275

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— Je ne dis pas non ; mais ce sera ainsi, ou ce ne sera point.

— Ainsi, vous voulez voir M. de Talleyrand ?

— Je veux voir M. de Talleyrand, et recevoir de lui directement ma mission.

— Oh ! oh ! dit l’avocat en frappant sur la poitrine de son ami, on dirait que vous avez peur ?

— Je n’ai pas peur, mais je veux voir M. de Talleyrand.

— Eh bien, soit, dit Roux-Laborie, vous le verrez, et, puisque vous voulez absolument sa garantie, vous allez être satisfait. Attendez quelques instants dans ce salon.

Et il entra chez M. de Talleyrand.

Un instant après, il sortit.

— M. de Talleyrand va passer, M. de Talleyrand va vous faire un geste de la main, M. de Talleyrand va vous sourire. Cela vous suffira-t-il ?

— Hum ! fit Maubreuil ; n’importe ! nous verrons.

M. de Talleyrand passa, fit le geste convenu, et sourit gracieusement à Maubreuil.

Tout cela, bien entendu, c’est Maubreuil qui le dit.

Le geste séduit Maubreuil, le sourire le transporte ; seulement, Maubreuil veut encore quelque chose : il veut deux cent mille francs.

On marchande, on lésine, on n’a pas d’argent : il y a tant de trahisons à payer !

Mais, grâce à l’arrêté du 9, il rentre treize millions : c’est le trésor privé de Napoléon. On a fait la chose en conscience, on n’a rien laissé à Marie-Louise, ni argent ni argenterie ; c’est à ce point qu’elle a été obligée d’emprunter, à l’évêque chez lequel elle était logée, un peu de faïence et d’argenterie.

On a donc treize millions, — sans compter les dix millions en or laissés dans les caves des Tuileries, et sur lesquels on a déjà fait main basse.

C’est vingt-trois millions qu’on a déjà empruntés à Napoléon.

Que diable ! on peut bien prendre là-dessus deux cent mille francs pour le faire assassiner !