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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/68

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Les gendarmes écartèrent aussitôt cette femme ; elle se mit à courir après les voitures, qui devaient relayer à la poste, c’est-à-dire à cent pas de là.

Mais son mari, ses enfants et trois ou quatre voisins s’attachèrent à elle, et l’empêchèrent d’aller plus loin.

Cette effroyable scène, il faut le dire, avait péniblement ému toute la ville. À partir de ce moment, les cris cessèrent ; on continua d’accompagner les prisonniers, de les regarder avec curiosité, mais en silence.

On les conduisait à la Fère, comme nous avons dit, pour leur faire leur procès, et les fusiller ; mais ils devaient passer toute la nuit à Soissons.

On voulait éclairer la route, afin de s’assurer si quelque parti révolté ne les attendait pas pour les enlever.

Au milieu de tout ce tumulte, de toute cette émotion, et comme je regardais les voitures s’éloigner par la route de Soissons, je sentis que l’on me prenait par la main ; je me retournai : c’était ma mère.

— Viens, me dit-elle tout bas, en accompagnant cette parole d’un signe de tête.

Je sentais qu’il y avait dans ce viens et dans ce signe quelque chose d’important.

Ma mère me ramena à la maison. Elle paraissait violemment émue.


XXXVI


Nous conspirons aussi, ma mère et moi. — La confidence. — M. Richard. — La pistole et les pistolets. — Offre faite aux frères Lallemand pour les sauver. — Ils refusent. — Je retrouve l’un d’eux, vingt-huit ans après, chez M. le duc Decazes.

Ma mère, veuve d’un officier général, n’avait pu voir, en effet, sans une profonde impression, cette insulte faite à des hommes qui portaient le même habit et les mêmes épaulettes qu’avaient portés mon père.

Nous étions seuls.