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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/70

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Nous y montâmes, ma mère et moi ; puis nous prîmes par le parc. Derrière le mur du château, nous rencontrâmes — je ne sais si ce fut par hasard ou par rendez-vous donné à l’avance — un notaire de Villers-Cotterets dont les opinions étaient très-républicaines, et qui se rattachait au bonapartisme parce que c’était un moyen de faire de l’opposition. Ma mère descendit de voiture, causa avec lui, et remonta avec un paquet qu’elle n’avait point, à ce qu’il me sembla du moins, en descendant ; après quoi, nous prîmes par les grandes allées, et, au bout de dix minutes, nous eûmes rejoint la grande route.

Trois heures après, nous étions à Soissons.

Nous entrâmes dans la ville vers cinq heures du soir, c’est-à-dire deux ou trois heures après les prisonniers.

La ville était tout en rumeur. Ou nous demanda nos passeports ; c’était, on le pense bien, la première chose dont ma mère avait oublié de se munir.

Comme on insistait, nous priâmes le gendarme qui nous faisait cette indiscrète demande de venir avec nous jusqu’à l’hôtel des Trois-Pucelles, où nous descendions habituellement quand nous venions à Soissons ; arrivés là, l’hôte répondrait de nous.

Nous avions, en outre, de par la ville, un arrière-cousin à nous, dont j’ai complètement oublié le nom, et qui était boulanger.

Mais il demeurait dans le faubourg opposé à celui par lequel nous entrions, tandis que l’hôtel des Trois-Pucelles n’était qu’à cent pas de nous.

Aussi, le gendarme ne fit-il aucune difficulté de nous y conduire.

Il arriva ce que ma mère avait prévu ; l’hôte se mit à rire au nez du gendarme : il répondit de nous, et tout fut dit.

Nous demandâmes une chambre et à dîner.

Quoique ma mère n’eût encore pris de toute la journée qu’une tasse de café, elle mangea peu ; il était évident qu’elle était sous le poids d’une grande préoccupation.

Après le dîner, elle fit monter notre hôte ; et lui demanda des nouvelles des prisonniers.