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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/108

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

comme vous. Quant aux Bourbons, je ne les aime ni ne les déteste. J’ai entendu dire qu’ils avaient, dans leur race, un saint roi, un bon roi, et un grand roi : saint Louis, Henri IV et Louis XIV. Seulement, le dernier roi régnant est rentré en France en croupe d’un Cosaque ; voilà, je crois, ce qui gâte, vis-à-vis de la France, l’affaire des Bourbons ; voilà ce qui fait que, le jour où il faudra ma voix pour qu’ils s’en aillent, et mon fusil pour les faire partir, ceux qui les renverront auront une voix et un fusil de plus. Quant à me défier des prêtres, je n’en ai encore connu qu’un seul, l’abbé Grégoire, et, comme celui-là m’a semblé le modèle de toutes les vertus chrétiennes, jusqu’à ce que j’aille me heurter à un mauvais, laissez-moi croire que tous sont bons.

— Va, va, tu reviendras là-dessus.

— C’est possible. En attendant, donnez-moi la main. Je lui demanderai sa bénédiction, à lui.

— Va, et grand bien te fasse !

— Je l’espère.

Je courus chez mon abbé.

— Eh bien, me dit-il, tu nous quittes donc ?

Comme on le voit, le bruit de mon départ s’était déjà répandu partout.

— Oui, monsieur l’abbé, et je viens vous demander de ne pas m’oublier dans vos prières.

— Oh ! mes prières, je crois que c’est la chose dont tu te soucies le moins ?

— Monsieur l’abbé, rappelez-vous le jour de ma première communion.

— Oui, je sais, il a produit sur toi une si profonde impression, que tu as voulu rester dessus, et qu’on ne t’a pas revu à l’église depuis.

— Croyez-vous qu’à la dixième fois, la communion m’eût fait le même effet qu’à la première !

— Eh ! mon Dieu, non, je le sais bien. Malheureusement, on s’habitue à tout en ce monde.

— Eh bien, monsieur l’abbé, mes autres souvenirs eussent effacé celui-là. Il ne faut pas trop s’habituer aux choses saintes,