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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/11

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

À onze heures et un quart, le mystérieux inconnu fut introduit aux Tuileries, et conduit dans le cabinet du roi.

Il resta avec Louis XVIII jusqu’à une heure du matin.

On ignore complètement ce qui se passa dans cette entrevue.

Le lendemain, M. Clausel de Coussergues proposa, à la chambre des pairs, de porter un acte d’accusation contre M. Decazes, comme complice de l’assassinat du duc de Berry.

Ainsi, en même temps que le parti napoléonien et libéral semait contre les Bourbons les vers que nous avons cités, multipliait les copies du procès Maubreuil, le parti ultra attaquait, par les mêmes moyens, le duc d’Orléans et M. Decazes, chacun sapant et détruisant au profit d’un quatrième parti qui devait bientôt faire son apparition sous le manteau du carbonarisme ; nous voulons parler du parti républicain, dont Napoléon, mourant à Sainte-Hélène, avait annoncé le prochain avènement.

Mais, avant d’aborder cette question, un dernier mot sur Louvel. Dieu nous garde, à quelque parti qu’il appartienne, de glorifier l’assassin ! Nous voulons seulement, au point de vue historique, consigner la différence qui existe entre un meurtrier et un autre meurtrier.

Nous avons dit que Louvel avait disparu d’abord au coin de la rue de Richelieu, puis sous l’arcade Colbert.

Là, il était sur le point d’échapper, lorsqu’un fiacre, en lui barrant le chemin, le força de ralentir sa course. Pendant ce moment d’hésitation, le factionnaire qui avait jeté son fusil pour le poursuivre, et qui l’avait perdu de vue, l’aperçut de nouveau, et, redoublant de rapidité, le rejoignit et le saisit à bras-le-corps, tandis qu’un garçon de café l’arrêtait de son côté en le prenant au collet.

Une fois pris, l’assassin ne se défendit par aucun nouvel effort. On eût dit que, pour la conscience de ce qu’il devait à sa propre conservation, il avait fui, mais que cette première tentative de fuite lui suffisait, et que, le laissât-on libre, c’était fini, il n’abuserait pas de sa liberté.

Louvel fut conduit au corps de garde établi sous le vestibule de l’Opéra.