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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/113

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

M. de Leuven faisait, à cette époque, dans le Courrier français, la politique étrangère. Élevé sur les genoux des rois et des reines du Nord, parlant toutes les langues septentrionales, sachant tout ce qu’il est permis à l’homme d’apprendre, cette politique des cours étrangères était presque sa langue maternelle. Aussi, levé à cinq heures tous les jours, il recevait les journaux à six, et, à sept ou huit heures, sa coopération au Courrier français était achevée.

En général, quand son père avait fini sa journée, Adolphe n’avait pas commencé la sienne.

Il était encore au lit, ce que je lui pardonnai quand il m’eut assuré qu’il avait travaillé, jusqu’à deux heures du matin, à un petit drame en deux actes, intitulé la Pauvre Fille.

On se rappelle cette charmante élégie de Soumet :

J’ai fui le pénible sommeil,
Qu’aucun songe heureux n’accompagne ;
J’ai devancé sur la montagne
Les premiers rayons du soleil.
S’éveillant avec la nature,
Le jeune oiseau chantait sur l’aubépine en fleurs ;
Sa mère lui portait la douce nourriture ;
Mes yeux se sont mouillés de pleurs.
Oh ! pourquoi n’ai-je plus de mère ?
Pourquoi ne suis-je pas semblable au jeune oiseau
Dont le nid se balance aux branches de l’orneau,
Moi, malheureux enfant trouvé sur une pierre,
Devant l’église du hameau ?

C’était, alors, la grande mode des petits vers. M. Guiraud venait de se faire, avec les Petits Savoyards, une réputation presque égale à celle que M. d’Ennery s’est faite depuis avec la Grâce de Dieu. Toute la différence est que le Savoyard de M. Guiraud ne demandait qu’un sou, et que le Savoyard de M. d’Ennery en demandait cinq.

Les premières Odes d’Hugo paraissaient ; les Méditations de Lamartine étaient éditées ; mais c’était là une nourriture bien