débuté, vous pourrez en faire beaucoup mieux qu’un vaudeville : vous pourrez en faire une comédie.
Au reste, Adolphe s’était occupé de moi. On jouait Régulus, le soir, au Théâtre-Français ; il avait demandé à Lucien Arnault deux stalles d’orchestre, et me les avait gardées ; seulement, ce soir-là, il n’avait pas le temps de venir avec moi : la Pauvre Fille réclamait tous ses instants.
Je fus presque content de cette impossibilité : je pourrais ainsi rendre au général Verdier le spectacle en échange de son repas.
Je le trouvai à six heures, m’attendant chez lui ; je lui montrai mes deux billets, et lui fis ma proposition.
— Ah ! ma foi, dit-il, ce n’est pas de refus ; je ne me donne pas souvent le luxe du spectacle, et surtout de Talma… Tu connais donc des poëtes, toi ?
— Oui, je connais M. Arnault.
— Très-bien !
— Et puis je vous avouerai, général, que je désire rester à Paris surtout pour faire de la littérature.
— Bah ! vraiment ?
— Oui, général.
— Écoute, tu m’as demandé des conseils ?…
— Sans doute.
— Eh bien, ne compte pas trop sur la littérature pour te nourrir ; tu m’as l’air d’avoir un bon appétit ; or, avec la littérature, il pourrait t’arriver de rester plus d’une fois sur ta faim… En tout cas, ces jours-là, tu viendras me trouver : le peintre partagera ses croûtes avec le poëte. Ut pictura poesis ! Je n’ai pas besoin de t’expliquer cela, car tu sais le latin, je présume ?
— Un peu, général.
— C’est beaucoup plus que moi. — Allons dîner.
— Nous ne dînons donc pas chez vous ?
— Est-ce que tu crois que je suis assez riche, avec ma demi-solde, pour avoir une cuisinière et un ménage ? Non pas, non pas ! Je dîne au Palais-Royal, à quarante sous ; aujourd’hui, nous ferons un extra, et j’en aurai pour six francs. Tu vois