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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/133

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

j’avais réfléchi qu’une diligence partait à quatre heures et demie, et qu’ainsi je pourrais arriver à une heure du matin.

Chose étrange ! j’étais aussi pressé de retourner à Villers-Cotterets que je l’avais été de venir à Paris.

Il est vrai que je n’y retournais pas pour longtemps.

À une heure, j’arrivai à Villers-Cotterets.

Une seule chose gâtait ma joie : c’est que tout le monde était couché ; c’est que personne ne passait dans les rues sombres ; c’est que je ne pouvais pas crier par la portière de la diligence : « Me voici ! mais pour trois jours seulement ; je retourne à Paris, et j’y reste. »

Oh ! la fable du roi Midas, comme elle devenait pour moi une incontestable réalité !

En arrivant chez Cartier, je sautai de la diligence à terre sans songer à utiliser le marchepied. Une fois à terre, je pris ma course en criant à Auguste :

— C’est moi ! c’est moi, Auguste ! Mets le prix de ma place sur le compte de ton père.

En cinq minutes, je fus à la maison. J’avais, pour mes rentrées nocturnes, une certaine façon d’ouvrir la porte qui m’était toute particulière ; j’en usai, et j’entrai dans la chambre de ma mère, qui venait de se coucher depuis une heure à peine, en criant :

— Victoire, bonne mère ! victoire !

Ma pauvre mère se dressa debout tout ébouriffée sur son lit ; elle était loin de croire à un si prochain retour, et, le cas donné de ce prochain retour, à une si complète réussite.

Il fallut bien qu’elle y crût, quand, après l’avoir embrassée, elle me vit sauter par la chambre en continuant de crier : « Victoire ! »

Je lui contai tout : Jourdan et ses laquais, Sébastiani et ses secrétaires, Verdier et ses tableaux, le duc de Bellune refusant de me recevoir, et le général Foy me recevant deux fois.

Et ma mère me faisait répéter sans cesse, ne pouvant croire qu’en trois jours, moi, pauvre enfant, sans appui, sans connaissances, sans soutien, j’eusse ainsi, par la persistance de