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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/140

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

donc pas. Je signifiai au concierge que je la prenais, et je lui annonçai l’arrivée de mes meubles pour le lendemain au soir.

Le concierge me demanda le denier à Dieu.

Complètement étranger aux habitudes parisiennes, j’ignorais ce que c’était que le denier à Dieu. Je crus que c’était un à-compte sur le loyer. Je tirai majestueusement un napoléon de ma poche, et je le laissai tomber dans la main du concierge, qui salua jusqu’à terre.

Il est évident qu’à ses yeux je devais passer pour un prince qui voyageait incognito. Donner vingt francs de denier à Dieu sur une chambre de cent vingt !… cela ne s’était jamais vu.

Vingt francs ! c’était le sixième du loyer !… Aussi, sa femme réclama-t-elle à l’instant l’honneur de faire mon ménage.

Cet honneur lui fut accordé moyennant cinq francs par mois, — toujours avec la même majesté.

Je courus, de là, chez le général Verdier pour lui faire ma visite de digestion, et lui annoncer la grande nouvelle. J’étais parti si vite de Paris, le mardi d’auparavant, que je n’avais pas eu le temps de monter ses quatre étages.

Cette fois, je les montai, mais inutilement : le général avait profité du dimanche, et s’était donné congé.

Je fis comme lui : je flânai sur les boulevards. — le seul endroit où je ne courusse pas risque de me perdre, — et j’arrivai, flânant toujours, au café de la Porte-Saint-Honoré.

Tout à coup, à travers les vitres, j’aperçus une personne de connaissance : c’était Hiraux, le fils du brave père Hiraux, qui, si malheureusement, avait tenté de faire de moi un musicien.

J’entrai dans le café. Hiraux venait d’en faire l’acquisition : il en était le propriétaire, j’étais chez lui !…

Quoiqu’il fût un peu plus âgé que moi, nous avions été très-bons camarades dans notre enfance. Il me retint à dîner. En attendant le dîner, il mit à ma disposition tous les journaux de l’établissement.

Une partie de ces journaux a disparu aujourd’hui.

Les principaux de l’époque étaient :

Le Journal des Débats, toujours resté sous le patronage des