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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/143

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

velles littéraires. Décidé, puisque je trouvais un dîner qui ne me coûtait rien, à transformer le prix de ce dîner en un billet de spectacle, je cherchai sur tous ces journaux les affiches du jour, et, guidé par Hiraux dans le choix de la littérature dont je comptais nourrir ma soirée, je me décidai pour la Porte-Saint-Martin.

On jouait le Vampire.

C’était la troisième ou quatrième représentation, seulement, de la reprise de cette pièce.

Hiraux m’invita à me presser ; la pièce avait un grand succès, et attirait la foule.

Elle était jouée par les deux acteurs en vogue de la Porte-Saint-Martin : Philippe et madame Dorval.

Je suivis le conseil d’Hiraux ; mais, quelque diligence que je fisse, il y a loin du café de la Porte-Saint-Honoré au théâtre de la Porte-Saint-Martin, je trouvai les environs encombrés.

J’étais nouveau à Paris. J’ignorais toutes les habitudes du théâtre. Je longeai une queue immense enfermée dans des barrières, n’osant pas même demander où l’on prenait les entrées.

Sans doute un des amateurs qui étaient à la queue s’aperçut de mon embarras, car, s’adressant à moi :

— Monsieur ! me dit-il, monsieur !

Je me retournai, doutant que ce fût à moi qu’on parlât.

— Oui… vous, monsieur, continua l’amateur, vous qui avez les cheveux frisés… voulez-vous une place ?

— Comment ! si je veux une place ?

— Sans doute. Si vous vous mettez à la queue, là-bas, vous n’entrerez jamais. On renverra plus de cinq cents personnes, ce soir.

C’était de l’hébreu pour moi, que ce langage. Je comprenais seulement que l’on renverrait cinq cents personnes, et que je serais du nombre des personnes renvoyées.

— Voyons, décidément, voulez-vous ma place ? continuait l’amateur.

— Vous avez donc une place, vous ?

— Il me semble que vous le voyez !