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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/145

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Comment, mon billet ?

— Sans doute, votre billet ! me dit un de ceux qui venaient derrière moi. Si vous ne prenez pas votre billet, laissez-nous prendre les nôtres au moins.

Et une légère bourrade indiqua le désir qu’avaient ceux qui me suivaient de prendre leur tour.

— Mais, leur dis-je, j’ai acheté ma place, ce me semble…

— Votre place ?…

— Oui, puisque j’ai donné vingt sous ! vous avez bien vu !… sûrement que j’ai donné vingt sous à cet homme qui m’a vendu sa place !

— Ah ! sa place à la queue ! s’écrièrent mes voisins ; mais sa place à la queue n’est pas sa place dans la salle.

— Il m’a dit qu’avec sa place, j’irais où je voudrais.

— Sans doute, vous irez ou vous voudrez ; prenez un avant-scène, vous en avez le droit, et vous irez où vous voudrez. Seulement, les avant-scènes, c’est à l’autre bureau.

— Allons ! allons ! nous dépêchons-nous ? firent les voisins.

— Messieurs, dégagez le couloir, s’il vous plaît, cria une voix.

— Eh ! c’est monsieur, qui ne veut pas prendre son billet, et qui nous empêche de prendre les nôtres, crièrent en chœur mes voisins.

— Allons ! allons ! décidez-vous.

Les murmures augmentaient, et, au milieu des murmures, je commençais à comprendre ce que l’on m’avait, du reste, à peu près expliqué : c’est que j’avais acheté ma place à la queue, et non ma place dans la salle.

En tout cas, comme on commençait à me bousculer d’une façon menaçante, je tirai de ma poche un écu de six francs, et demandai un parterre.

On me rendit quatre francs dix sous, et un carton qui avait été blanc.

Il était temps ! Je fus emporté immédiatement par un flot de la foule.

Je présentai au contrôle mon carton qui avait été blanc ; on me l’échangea contre un carton qui avait été rouge. Je suivis