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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/177

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Et vous y avez vu des vampires ?

— Vous savez que c’est la terre classique des vampires, l’Illyrie, comme la Hongrie, la Servie, la Pologne.

— Non, je ne sais pas… je ne sais rien. Où étaient ces vampires que vous avez vus ?

— À Spalatro. Je logeais chez un bonhomme de soixante-deux ans. Il mourut. Trois jours après avoir été enterré, il apparut la nuit à son fils et lui demanda à manger ; son fils le servit selon ses désirs ; il mangea et disparut. Le lendemain, le fils me raconta ce qui lui était arrivé, me disant que bien certainement son père ne reviendrait pas pour une fois, et m’invitant à me mettre, la nuit suivante, à une fenêtre pour le voir entrer et sortir. J’étais curieux de voir un vampire. Je me mis à la fenêtre ; mais, cette nuit-là, il ne vint pas. Le fils me dit, alors, de ne pas me décourager, qu’il viendrait probablement la nuit suivante. — La nuit suivante, je me remis donc à ma fenêtre, et, en effet, vers minuit, je reconnus parfaitement le vieillard. Il venait du côté du cimetière ; il marchait d’un bon pas ; mais son pas ne faisait aucun bruit. Arrivé à la porte, il frappa ; je comptai trois coups ; les coups résonnèrent secs sur le chêne, comme si l’on eût frappé avec un os, et non avec un doigt. Le fils vint ouvrir la porte, et le vieillard entra…

J’écoutais ce récit avec la plus grande attention, et je commençais à préférer les entr’actes au mélodrame.

— Ma curiosité était trop vivement excitée, reprit mon voisin, pour que je quittasse ma fenêtre ; j’y demeurai donc. Une demi-heure après, le vieillard sortit ; il retournait d’où il était venu, c’est-à-dire du côté du cimetière. À l’angle d’une muraille, il disparut. Presque au même instant, ma porte s’ouvrit. Je me retournai vivement, c’était son fils. Il était fort pâle. « Eh bien, lui dis-je, votre père est venu ? — Oui… L’avez-vous vu entrer ? — Entrer et sortir… Qu’a-t-il fait aujourd’hui ? — Il m’a demandé à boire et à manger, comme l’autre jour. — Et il a bu et mangé ? — Il a bu et mangé… Mais ce n’est pas le tout… voici ce qui m’inquiète… Il m’a dit… — Ah ! il vous a parlé pour autre chose que pour vous demander