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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/187

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Les claqueurs s’étaient levés en masse, et, montés sur les bancs, criaient : « À la porte ! »

On pouvait, du milieu de la salle, voir se dresser cette formidable montagne, semblable à une énorme contrefaçon du Parnasse de M. Titon-Dutillet, qui est à la Bibliothèque.

Mais, enfermé dans sa baignoire, abrité derrière la grille de sa loge, comme derrière un infranchissable rempart, le siffleur continuait de siffler.

Je ne sais pourquoi j’eus l’idée que c’était mon voisin qui se passait, enfin, la fantaisie dont il avait été tourmenté toute la soirée.

Le spectacle était véritablement interrompu : Philippe, madame Dorval et Thérigny restaient en scène sans pouvoir parler ; les cris À la porte ! redoublaient ; on prévint le commissaire de police.

À force de se fixer sur la loge, mes regards pénétrèrent à travers les barreaux, et allèrent, dans la pénombre, poursuivre le malencontreux siffleur.

C’était bien mon voisin le bibliomane.

Le commissaire de police arriva. Malgré tout ce qu’il put dire, le siffleur fut expulsé de la salle, et la pièce continua, au milieu des trépignements et des bravos.

Au reste, elle tirait à sa fin. Aubray, saisi par les domestiques de lord Ruthwen, est emporté loin de Malvina, qui reste sans défense. Ruthwen l’entraîne ; une porte s’ouvre, — c’est celle de la chapelle, éclairée pour le mariage nocturne. Malvina hésite à contracter cette union hors de la présence de son frère ; mais Ruthwen devient de plus en plus pressant ; il faut que, dans quelques minutes, le sang d’une jeune fille l’ait rendu à la vie, ou sinon, comme le lui a prédit l’ange du mariage, il subira le néant ! Tout à coup, Aubray, qui a échappé à ses gardiens, se présente dans la chapelle ; il arrête sa sœur ; il la conjure de ne pas aller plus loin. Ruthwen rappelle de nouveau à Aubray son serment.

« — Oui ! dit Aubray ; mais l’heure va sonner ! mais je pourrai tout dire !