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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/197

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

plétement changé : avec mes cheveux trop longs, je ressemblais à un de ces marchands de pommade du lion qui font de leur propre tête leur principal prospectus ; avec mes cheveux trop courts, je ressemblais à un phoque.

Il va sans dire que le perruquier m’avait coupé les cheveux trop courts ; malheureusement, il n’y avait à cela d’autre remède que d’attendre qu’ils eussent repoussé.

Après avoir déjeuné tant bien que mal à l’hôtel, après avoir annoncé que, le soir, je quitterais l’établissement et réglerais mes comptes, je m’acheminai vers mon bureau.

À dix heures un quart sonnant, je me renseignais auprès du concierge du vestibule : il m’apprit que l’escalier qui conduisait aux bureaux de M. Oudard, c’est-à-dire du secrétariat, était situé à l’angle droit de la seconde cour du Palais-Royal, donnant sur la place, en venant par le jardin.

Je me présentai à cet escalier ; je pris de nouveaux renseignements auprès d’un second concierge : les bureaux étaient au troisième étage.

Je montai.

Le cœur me battait assez violemment : j’entrais dans une nouvelle vie, dans celle que j’avais voulue, cette fois, dans celle que je m’étais choisie. Cet escalier me conduisait à mon futur bureau. Mon futur bureau, où me conduirait-il ?…

Personne n’était arrivé ; j’attendis avec les garçons de service. Le premier employé qui parut était un beau grand garçon blond ; il montait l’escalier en chantant, et vint prendre la clef du bureau à un clou.

Je me levai.

— Monsieur Ernest, lui dit un des garçons de bureau, le plus vieux, nommé Raulot, voici un jeune homme qui demande à parler à M. Oudard.

Celui qu’on venait de désigner sous le nom d’Ernest me regarda un instant d’un œil bleu clair et rapide.

— Monsieur, lui dis-je, c’est moi qui suis le surnuméraire dont vous avez peut-être entendu parler.

— Ah ! oui, M. Alexandre Dumas, fit-il ; le fils du général Alexandre Dumas, recommandé par le général Foy ?